Le bureau national et les présidents académiques de l'UDPPC ont écrit le 28 juin 2015 un courrier de protestation au groupe physique-chimie de l'inspection générale de l'Education Nationale.
La réponse du doyen Gilbert Piétrick nous est parvenue le 3 juillet.
Voici l'intégralité de ces deux textes.
Merci de vos réactions éventuelles.
Paris, le 28 juin 2015
Lettre ouverte au groupe physique-chimie de l’Inspection générale de l’Éducation nationale
Mesdames, Messieurs,
Le Bureau national et les Présidents académiques de l’UdPPC souhaitent, par ce message, vous faire part des réactions des collègues dont les élèves ont passé l’épreuve du baccalauréat de la série S ou qui sont en train de corriger les copies. Il est de notre devoir de vous en informer et de vous demander solennellement une réponse rapide à ce courrier.
Les réactions des collègues sont fortes, de la colère aux sentiments de mépris et d’humiliation.
Colère car, depuis trois ans, l’Institution n’a pas réussi à stabiliser les exigences de l’examen autour d’un type d’épreuve qui puise ses racines dans les programmes officiels, avec un équilibre entre des exercices classiques, tels que peuvent les rencontrer les élèves dans l’année et susceptibles de récompenser légitimement ceux ayant fourni un travail régulier, et des exercices plus ouverts, dans lesquels un peu d’initiative est attendue des élèves.
Si le type d’exercices proposés change chaque année, comment les professeurs peuvent-ils préparer correctement leurs élèves ?
Cette année, les trois exercices du sujet d’enseignement spécifique, par leur accumulation de questions ouvertes et le nombre d’étapes non explicites requises, sollicitaient des capacités qui ne sont pas maîtrisées par l’élève moyen que nous avons dans nos classes. Il est reconnu que la mention d’une notion non travaillée au lycée, comme la poussée d’Archimède par exemple, même avec une formule explicite donnée mais nécessitant une maîtrise du formalisme vectoriel que chacun reconnaît comme non acquis, ne peut que déstabiliser les candidats et bloquer les plus fragiles d’entre eux un jour d’examen.
Mépris ensuite, car de nombreuses connaissances, présentées à grand renfort d’activités, de cours, de mises en contexte et d’applications, sont passées par pertes et profits dans ces sujets.
Par exemple, à quoi cela sert-il durant l’année de prendre une heure pour expliquer les processus complexes qui permettront à l’élève de « Connaître le principe de l’émission stimulée et les principales propriétés du laser (directivité, monochromaticité, concentration spatiale et temporelle de l’énergie) » quand, dans l’exercice du baccalauréat, plutôt que de vérifier si l’élève a essayé de comprendre comment cela fonctionne, on lui présente un laser qui n’est pas monochromatique ? Remettre en cause, un jour d’examen, ce que l’élève a appris dans l’année est des plus malvenu et source de déstabilisation et d’hésitation, sauf pour les élèves les plus brillants.
Humiliation enfin car, comme l’année dernière, les correcteurs ont reçu, deux jours après les commissions d’entente, un nouveau barème de correction à appliquer, les obligeant à reprendre toutes les copies qu’ils avaient déjà évaluées. Comment ne pas se sentir dévalorisé dans son travail de correction lorsqu’on doit attribuer 2 points à l’emploi d’une simple formule, et 0,5 voire 0,25 point à une question nécessitant beaucoup de temps, de la réflexion et une prise de risque !
La méthode retenue, pour réparer les conséquences de votre incapacité à estimer le niveau moyen d’un élève de fin de terminale S, nous semble être la pire des solutions. Elle pénalise les meilleurs élèves et déconsidère le travail des IPR, des commissions d’entente et des correcteurs.
C’est un secret de Polichinelle que les bases de la discipline ont été laminées par la dernière réforme du lycée. Les associations, UdPPC, UPS et SFP l’ont dénoncé, mais rien n’a été tenté pour améliorer les choses. Les critiques faites sur les projets de programmes de terminale S ont été ignorées par le groupe d’experts en charge de leur rédaction (voir Le Bup n°933 avril 2012 et 935 juin 2012) et les demandes d’allégements ou de précisions ultérieures non satisfaites (voir Le Bup n°951 février 2013). De même, rien n’a été entrepris pour restituer les horaires perdus en première S en sciences expérimentales, désormais libérés par le retour de l’histoire-géographie en terminale.
Bilan : les élèves ne sont pas dupes et les notes de physique-chimie au baccalauréat ne sont représentatives ni de leur travail ni leur niveau. Les informations passant vite d’une promotion à l’autre, le raisonnement à la rentrée prochaine sera certainement : « ça ne sert à rien de suivre le cours ou de réviser, tu vas être interrogé sur des choses que tu n’auras pas vues en classe ! ».
Les professeurs sont humiliés et découragés : leur dévouement est certain, mais on les empêche, par une fuite en avant vers des exercices qui veulent prouver que l’épreuve de physique-chimie au bac S reste « scientifique », de respecter le contrat pédagogique avec leurs élèves.
Regardons les choses en face : les compétences des élèves en physique-chimie et en mathématiques se sont effondrées depuis la réforme du lycée. Quand l’Institution va-t-elle le reconnaître et en tirer les conséquences nécessaires ? Pourquoi le Ministère repousse-t-il sine die la publication du rapport sur l’évaluation de la réforme du lycée, si ce n’est parce qu’il refuse d’en reconnaître l’échec ?
Aujourd’hui le degré de mécontentement est tel que les consignes de correction présentes et futures risquent d’être rejetées par le corps enseignant, mettant en péril la légitime équité entre les candidats et le caractère national de l’examen. Un message fort de soutien aux collègues est nécessaire. Nous espérons être enfin entendus.
Le Bureau national et les présidents académiques de l’UdPPC
Réponse du Doyen du groupe physique-chimie de l’Inspection générale à la lettre envoyée par l’UdPPC au sujet de l’épreuve du baccalauréat 2015 (métropole)
Reçue le vendredi 3 juillet
Monsieur le Président et Cher Collègue
Nous avons bien reçu votre message et vous en remercions vivement. Il est en effet important pour nous d’être au plus près du ressenti des professeurs, d’autant plus que votre courrier fait état d’un réel « malaise » de leur part en lien avec l’épreuve de physique-chimie de la session 2015 du baccalauréat S (la lettre ouverte que vous nous avez transmise fait état de réactions des collègues fortes, allant « de la colère à des sentiments de mépris et d’humiliation »).
Au-delà de l’émotion suscitée par ce sujet du baccalauréat, il me paraît important de réaffirmer la très grande considération que nous portons à nos collègues enseignants. La réforme du lycée a introduit des programmes fondamentalement transformés par rapport aux précédents, écrits par compétences, avec une place plus réduite de la modélisation mobilisant les mathématiques, et ceci dans un cadre horaire contraint en classe de Première S. Dans ce contexte, de nouvelles typologies d’activités scientifiques ont été intro- duites : analyse et synthèse de documents, démarche d’investigation, résolution de problèmes en spécialité,
etc. La marche à franchir par rapport aux anciens programmes est très importante ; l’enquête que nous avons conduite au cours de l’année scolaire 2013/2014 a montré combien nos collègues se sont engagés, au prix d’efforts très importants, dans la mise en œuvre de ces programmes rénovés. Nous avons été témoin d’un travail remarquable de la part des professeurs et nous l’avons écrit dans notre rapport ; nous le saluons à nouveau avec force aujourd’hui.
Concernant l’épreuve de physique chimie du baccalauréat S de cette année, celle-ci s’inscrit dans une mise en cohérence progressive avec les attendus de la formation, cohérence initiée en 2013 (année de transition) et poursuivie en 2014 et en 2015. Les attendus de la formation sont ambitieux comme le rappelle l’extrait suivant du préambule du programme du cycle terminal de la série S : « Au cycle terminal de la série S, les élèves ayant fait le choix d'une orientation scientifique, le programme a pour ambition de développer leur vocation pour la science et de les préparer à des études scientifiques post-baccalauréat ». Pour répondre à
ces exigences, le chemin tracé par les programmes consiste à régulièrement proposer aux élèves des tâches complexes mobilisant des connaissances et des compétences et utilisant un formalisme mathématique limi- té.
Le sujet a été conçu pour répondre lui aussi à cette ambition légitime ; l’objectif visé était d’évaluer une grande diversité de connaissances et de compétences attestant du niveau de maîtrise de la démarche et du
raisonnement scientifiques.
L’analyse des premières copies a montré la difficulté des élèves à mobiliser, pendant toute la durée de l’épreuve, des compétences et des savoir-faire variés, et une réussite insuffisante aux questions ouvertes, probablement par manque de temps. Un barème modificatif a été mis en place afin de ne pas pénaliser les élèves. Il restera à l’issue de la correction des copies à analyser les effets de ce barème rectificatif et à tirer des leçons pour l’avenir. En particulier, il conviendra, pour les équipes de concepteurs des sujets de baccalauréat, de trouver le juste équilibre qui permette à chaque élève, se destinant ou non à des études scientifiques, d’attester de la qualité de son investissement au cours des deux années et de son niveau de maîtrise des compétences exigibles. Cet équilibre, délicat à trouver, fera l’objet d’une attention redoublée pour les prochaines sessions.
Je ne voudrais pas terminer ce message sans renouveler à nos collègues professeurs le soutien déterminé que nous leur apportons. Au cours des deux dernières années scolaires, cette aide s’est manifestée, outre l’investissement très fort des inspecteurs territoriaux et généraux sur le terrain, par la production de ressources pédagogiques variées, dédiées explicitement à l’accompagnement pédagogique et mises en ligne sur le site physique-chimie d’Eduscol . L’an prochain, nous reviendrons vers les professeurs avec l’appui de nos collègues IA-IPR, à propos de la formation en filière S et de l’évaluation terminale au baccalauréat. S’il vous paraissait pertinent qu’une telle initiative puisse se concrétiser, nous pourrions également rencontrer les responsables de l’UdPPC.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président et Cher Collègue, à l’expression de ma très sincère considération et à mes sentiments les plus cordiaux.
Pour le groupe physique-chimie de l’inspection générale, le doyen Gilbert PIETRYK